Chapitre 3 - Usure du Polytétrafluoroéthylène chargé

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Sommaire Chapitre 3

3.1 Segments

3.1.1 Elaboration des segments

3.1.2 Composition

PTFE
Coke
Céramique

3.1.3 Propriétés du PC46

3.1.4 Etat de surface des segments

3.2 Cylindre

3.2.1 Elaboration des cylindres

3.2.2 Composition

3.2.3 Propriétés de la fonte FGL250

3.2.4 Etats de surface des cylindres

3.3 Conclusion

Usure du Polytétrafluoroéthylène chargé :
approche par les débits de troisième corps solide.
Application aux segments de piston de compresseur.
par Laurent Mahé

Chapitre 3 Premiers corps

Dans ce chapitre, l'élaboration, la composition, les propriétés thermomécaniques et l'état de surface des premiers corps sont étudiés. Ainsi la contribution tribologique de chacun de ces paramètres pourra être évaluée lors de l'élaboration de la vie du contact entre le segment porteur et le cylindre.

L'évaluation des champs de contraintes thermomécaniques dans les premiers corps, qui sera effectuée dans le chapitre suivant, nécessite de connaître leurs caractéristiques thermomécaniques : module d'élasticité, coefficient de Poisson, coefficient de dilatation, conductivité thermique,...

La morphologie de la surface des premiers corps, en particulier celle du cylindre, semble avoir une grande influence sur la durée de vie de la segmentation. La composition et les propriétés mécaniques de la fonte FGL250 sont définies par la norme, l'étude du cylindre sera donc centrée sur la mise en oe uvre de sa surface et plus particulièrement sur sa morphologie de surface.

3.1 Segments

D'après les fournisseurs, le segment porteur est en PTFE chargé avec du coke et de la céramique, ce matériau composite sera nommé : PC46. Les segments d'étanchéité ont la même composition.

3.1.1 Elaboration des segments

Le PTFE, (-CF2-CF2-)n, est un polymère en grains obtenu par un procédé de polymérisation en suspension. Ces grains de PTFE sont ensuite lavés, séchés et broyés pour former une poudre très fine, d'un taux de cristallinité de l'ordre de 93 à 98 %. Ensuite des poudres de coke et de céramique sont mélangées avec la poudre de PTFE. Ce mélange de poudre est ensuite mis en forme de cylindre, à la température ambiante, sous pression. Puis il est fritté par une cuisson au-dessus de la température de fusion du PTFE vierge (342°C). Les conditions de refroidissement permettent d'ajuster, dans une certaine mesure, le taux de cristallinité, qui est de l'ordre de 50 %. L'ébauche ainsi obtenue est ensuite tronçonnée en couronnes. Les couronnes sont fixées sur le plateau d'un tour vertical avec du scotch double-face, le centrage est fait au jugé, une charge est posée par-dessus la couronne, quelques instants, pour assurer la fixation de la couronne sur le scotch. La couronne est ensuite usinée sans lubrification avec un outil en diamant, pour obtenir un segment. Les segments d'étanchéité, qui sont ouverts, sont coupés avec une scie circulaire.

Entre la synthèse des matières premières que sont les poudres et le produit fini qui est le segment, plusieurs intermédiaires interviennent. Le mélangeur de poudre fabrique le PTFE, et il achète les poudres de céramique et de coke. La composition exacte du mélange de poudre est tenue confidentiel par le mélangeur, il n'a pas été possible de se procurer un échantillon de ces poudres non mélangé. Les autres intermédiaires sont le mouleur, l'usineur et enfin le compressoriste ou directement l'utilisateur du compresseur.

3.1.2 Composition

D'après la documentation technique du mélangeur (Document AUSIMONT, Algoflon polytetrafluoro-ethylene - properties and application selection guide, 8 p.), (Document MONTEFLUOS, Algoflon filled, 12 p.), le PC46 est un polytétrafluoroéthylène chargé avec du coke de pétrole (25 % en poids et 27 % en volume) et de la céramique (5 % en poids et 3 % en volume), la taille de ces charges étant inférieure à 75 microns.

D'après un rapport interne du compressoriste, la céramique est une alumino-silicate de soude synthétique de composition chimique (14 SiO2 + Al2O3 + Na2O +3H2O). Cette information a été communiquée oralement à la direction technique du compressoriste lors d'une visite de l'usine du mélangeur

Afin de connaître la structure du PC46, un échantillon de segment a été prélevé et poli. Cet échantillon a été observé au microscope photonique (MP) en lumière blanche et en lumière polarisée (LP), il a également été observé au microscope électronique à balayage (MEB) et analysé grâce à la sonde X à dispersion d'énergie (EDX) couplé au MEB. Un des inconvénients du MP est sa faible profondeur de champ, ce qui nécessite un échantillon le plus plan possible. L'observation au MEB nécessite de dorer l'échantillon afin qu'il soit conducteur, malheureusement l'observation est difficile, car le matériau réagit au faisceau d'électron et se dégrade (figure 3.1).

figure 3.1 surface du PC46 dégradée par le faisceau d'électron du MEB.

Le polissage est un processus de frottement au même titre que l'usinage ou le rodage, néanmoins l'éprouvette polie peut être considérée comme représentative de la structure interne du premier corps en PC46 car ce polissage a été "très doux" et la surface polie a été nettoyée afin d'enlever le troisième corps issu de ce polissage.

L'observation d'une éprouvette en PTFE chargé poli montre la présence de grains de coke et de grains de céramique qui sont insérés dans une matrice en PTFE (figure 3.2). La structure est homogène, le coke et la céramique sont repartis relativement uniformément dans la matrice en PTFE.

figure 3.2 surface du PC46 poli (MP).

L'analyse EDX du PC46 (figure 3.3) montre la présence de carbone (C), de fluor (F), d'oxygène (O), de sodium (Na), d'aluminium (Al) et de silicium (Si). L'échantillon est doré, d'où la présence de l'or (Au). Le PTFE est composé de carbone et de fluor, il est donc difficile avec cette analyse de faire la part entre le carbone provenant du PTFE et celui provenant du coke. L'ensemble des éléments présents dans la formule chimique de la céramique (Na,\ Al,\ Si,\ O) a été détecté.

La cartographie des éléments présents (figure 3.4) montre que les éléments composant la céramique se situent dans les mêmes zones, le silicium étant le plus présent quantitativement. Les zones où le carbone est présent en majorité sont celles où le fluor est absent. Pour l'analyse des surfaces frottées, les traceurs des différents composants du PC46 seront pour le PTFE : le fluor, pour le coke : le carbone, et pour la céramique : le silicium.

figure 3.3 analyse EDX du PC46

figure 3.4 cartographie EDX du PC46.

PTFE

Le PTFE est constitué de très longues chaînes (quelques millimètres) parfaitement linéaires qui lui confèrent une très bonne aptitude à cristalliser.

La chaîne de PTFE a une conformation hélicoïdale, les atomes de fluor ont un diamètre de Van der Waals de 0,270 nm. Cette structure, qui est représentée sur la figure 3.5, entraîne une rigidification considérable de la chaîne, aussi bien à l'état cristallin qu'à l'état liquide. La chaîne de PTFE ressemble à une barre cylindrique et rigide avec une surface lisse {kur91}.

figure 3.5 structure hélicoïdale de la chaîne de PTFE.

Le PTFE présente un diagramme de phases assez complexe pour un polymère, puisque quatre formes allotropiques différentes ont pu être décelées en fonction de la température et de la pression (figure 3.6).

figure 3.6 diagramme de phases du PTFE {hei89}.

En dessous de 19°C, le PTFE présente une structure cristalline dont la maille élémentaire est triclinique (phase II). Cette forme correspondant à une structure hélicoïdale 13/6 dont le motif est un segment d'hélice comportant 13 unités CF2 pour 6 tours de chaîne. La distance de répétition du motif est de 1,68 nm, chaque pas nécessite une rotation de 166,2°.

A 19°C, le PTFE présente une transition cristalline réversible du premier ordre {vil91}. La structure hélicoïdale devient de type 15/7 (phase IV) {cla62}. La distance de répétition s'élève jusqu'à 1,95 nm et chaque pas nécessite une rotation de 168°. La différence majeure entre les arrangements dans les chaînes de polymère des phases II et IV est la distance interchaîne. Dans la phase II les chaînes sont séparées par 0,559 nm, dans la phase IV la séparation a augmenté jusqu'à 0,566 nm. L'espace supplémentaire disponible dans la phase IV permet ainsi à l'hélice de se détordre légèrement ou de développer des désordres rotationnels.

Au-dessus de 30°C, la phase IV est transformée en phase I. Il s'avère toutefois que les changements de structure ne sont plus guidés par des considérations d'empilement mais par des effets intramoléculaires {dix88}, c'est-à-dire que l'agitation thermique est capable de provoquer le passage d'une conformation à une autre, en entraînant un changement du pas de l'hélice sans modification de la direction des chaînes macromoléculaires. Ce défaut ainsi créé est appelé ambidextron.

La dynamique de ces mouvement de segments de chaînes a été étudiée par différentes techniques (RMN, diffusion des neutrons, diffusion Raman). Il apparaît qu'aux environs de 127°C, les rotations locales de segments de chaînes ont pour effet d'estomper peu à peu l'ordre axial de la maille hexagonale, tandis que l'ordre latéral est maintenu. La phase I du PTFE apparaît donc comme une phase " condis " (conformationnaly disorded) dont la maille est pseudohexagonale {wun84}.

La température de transition vitreuse est la température à laquelle un polymère amorphe passe d'une structure vitreuse à une structure caoutchoutique. La température de transition vitreuse du PTFE est un sujet controversé. La valeur la plus communément rencontrée dans la littérature est 120°C ; cependant, certains auteurs la situent vers -100°C {fer96}.

La première fusion du polymère vierge a lieu de manière irréversible à 342°C. Toutes les fusions ultérieures se déroulent à des températures proches de 330°C. Le taux de cristallinité mesuré varie alors entre 50 et 75 %. Dans le polymère vierge, il est supposé que les chaînes soient cristallisées sous forme étirée, et qu'après fusion elles cristallisent sous forme repliée {suw75}. Lorsque le PTFE dépasse son point de fusion, il devient transparent. A cette température, le polymère présente plus l'aspect d'un gel que celui d'un liquide, puisque la viscosité de cet état morphologique est évalué à 10^11 Pa.s vers 400°C.

Le taux de cristallinité du PTFE composant le PC46 est de 63 %. Ceci a été mesuré par analyse enthalpique différentielle (DSC), sur un échantillon prélevé en surface d'un segment. Cependant ce taux de cristallinité peut varier significativement dans l'épaisseur du segment et d'un segment à l'autre (annexe dsc).

Les premières études concernant la morphologie cristalline du PTFE {bun58} ont été faites en analysant des échantillons refroidis lentement depuis l'état fondu. Ils révélèrent, par fracture à froid, une morphologie consistant en de larges bandes striées de 0,2 à 1 microns d'épaisseur et dont la longueur pouvait dépasser 100 microns. Les auteurs conclurent que les macromolécules étaient orientées parallèlement aux stries, et imaginèrent que les chaînes se trouvaient en complète extension. Par la suite, des travaux montrèrent que cette dernière hypothèse était fausse, et que même dans des cristaux de 1 micron, les chaînes étaient repliées du fait des grandes masses moléculaires des échantillons analysés.

Speerschneider étudia la variation de cette morphologie en bande par déformation plastique {spe62a}. Cela le conduisit à émettre l'hypothèse que les stries étaient le reflet d'une structure composée d'une alternance de lamelles cristallines et de lamelles amorphes.

Wunderlich montra plus tard, par des expériences de recuit, que les stries étaient en fait le résultat d'une fracture aléatoire autour des chaînes de polymère {wun67}.

Starkweather établit une corrélation entre la largeur des bandes et le taux de cristallinité. En réalisant des trempes, il observa la disparition des bandes. Néanmoins, cette disparition ne correspondait pas à la perte de l'ordre tridimensionnel puisque le taux de cristallinité mesuré était encore de 50 %. Il en conclut que la taille des entités cristallines était effectivement liée à la quantité cristallisée, et que la partie désordonnée était associée au repliement des chaînes à la surface des lamelles {sta63}.

Basset montra, en appliquant la théorie de repliement de chaînes, que le PTFE pouvait être considéré comme un polymère à chaînes repliées dont les lamelles ont une épaisseur anormalement importante {bas74}.

Melillo observa sur des échantillons de PTFE refroidis lentement, une superstructure sphérolitique avec des sphérolites de 10 à 25 microns de diamètre. Toutefois, la structure en bande décrite précédemment n'est pas favorable à un développement sphérolitique idéal. Les sphérolites de PTFE présentent donc, de ce fait, un fort degré d'imperfection, notamment en leur centre. Les sphérolites peuvent être imaginées comme étant en réalité constitués de segments de cylindre assemblés aléatoirement et n'ayant pas nécessairement un centre commun {mel72}.

Plus les lamelles sont loin du centre du sphérolite et plus leur épaisseur augmente ; puis à partir d'une certaine distance, apparaissent des lamelles secondaires qui croissent perpendiculairement au lamelles initiales.

Coke

Les charges de carbone sont sous forme de coke de pétrole, c'est la seule information donnée par le fournisseurs sur leur nature.

Le coke de pétrole est obtenu par pyrolyse du pétrole, cette opération s'appelle la cokéfaction. Le coke obtenue est un carbone anisotrope lamellaire {mil65} qui est dur, fragile, d'aspect luisant et qui contient toujours du soufre S. L'analyse EDX sur un morceau de coke du PC46 montre la présence de soufre.

figure 3.7bis carbone graphitisable et non graphitisable {leg92}.

Sur l'échantillon poli de PC46 de la figure 3.2, les grains de coke sont de taille et de forme variable et aucun grain de taille supérieure à 75 microns n'a été observé.

En lumière polarisée, les grains de coke apparaissent de couleurs différentes (bleu, jaune et divers violets), ces couleurs pouvant être présentes en même temps dans le même grain. Lorsque le support de l'échantillon subit une rotation, le bleu se transforme en jaune en passant par des violets intermédiaires.

Ces différentes couleurs, c'est-à-dire jaune, bleu et divers violets, correspondent aux différentes orientations des structures lamellaires du carbone à la surface. Il a été montré qu'une coloration violette apparaît à la surface du carbone isotropique ou quand des plans basaux sont parallèles à la surface polie. Cette coloration est inchangée par la rotation du support de l'échantillon. Le jaune et le bleu sont vus quand une arête prismatique est présente à la surface. Une rotation du porte échantillon de 90° changera le jaune en bleu (en passant par un violet intermédiaire) {for77}.

Dans le graphite parfait, les atomes de carbone sont organisés en plans parallèles, nommés plans de base. Dans un même plan de base, les atomes forment un réseau hexagonal, le côté d'un hexagone étant de 1,42 Angström. Dans les plans de base, les atomes de carbone sont réunis entre eux par des liaisons covalentes sigma.

Les liaisons entre atomes de carbone de différants plans de base sont des liaisons \pi qui lies les plans par des forces de Van der Waals qui sont plus faible que les liaisons covalentes, l'intervalle entre deux plans de base successifs est d'ailleurs plus important : 3,35 Angström.

Ainsi, dans le cristal de graphite, chaque atome de carbone est lié très solidement avec les trois atomes les plus proches, situés sur le même plan de base, tandis que sa liaison avec le quatrième atome, situé dans un autre plan de base, est beaucoup moins tenace.

Les plans de base se superposent avec un décalage des motifs hexagonaux de 1,42 Angström. Les surfaces perpendiculaires aux plans de base se nomment les surfaces prismatiques.

figure 3.7 graphite hexagonal et sa maille {leg92}.

Du fait de sa structure lamellaire, le graphite présente deux types de surfaces, les plans basaux et les surfaces prismatiques, qui ont des énergies de surfaces et des chimies superficielles différentes.

Toutes fractures non parallèle à un plan de base fait apparaître des surfaces prismatiques avec des atomes de carbone possédant des électrons de valence libres appelés liaisons pendantes. L'énergie de surface correspondante est tellement élevée que ces surfaces ne peuvent exister que sous vide parfait {boe94}.

Ces surfaces sont stabilisées par chimisorption pourvu que l'environnement comporte des espèces autres que des gaz rares ou des particules solides inertes. Les surfaces prismatiques présentent par la suite des énergie de surface faibles. Les liaisons pendantes sont satisfaites par l'azote ou le soufre provenant des précurseurs organiques pendant la fabrication, ou par des éléments électronégatifs comme les halogènes (F, Cl, Br, I), mais le plus souvent par la dissociation de l'oxygène {boe94}.

A l'air ambiant il se formera sur les surfaces prismatiques mais aussi sur des défauts cristallographiques des plans de base d'abord une couche chimiosorbée, souvent des oxydes de surface de nature très variées (figure 3.8). Ces oxydes de surfaces sont à leur tour des sites de physisorption de molécules d'eau et d'oxygène et elles interviennent dans les mécanismes d'oxydation {gro70}.

figure 3.8 fonctions oxygénés sur les surfaces prismatiques {boe94}.

Le graphite est un excellent conducteur selon un plan de base et un excellent isolant perpendicu-lairement à ce plan {loc97}.

Etant donnée la grande distance interatomique entre les plans de base et leur faible force de liaison, le graphite présente une très grande anisotropie dans ces propriétés mécaniques. La résistance au cisaillement est plus faible suivant un plan de base que perpendiculairement à ce plan, pour la résistance à la traction c'est l'inverse.

Les interactions chimiques avec l'environnement peuvent ainsi réduire l'énergie de déchirure nécessaire à la propagation d'une fissure. En effet, la contrainte de rupture par clivage des plans de base du graphite est un ordre de grandeur plus faible sous oxygène que sous vide {bry64}. L'abaissement de l'énergie de clivage est dû à la saturation des liaisons \pi par l'oxygène qui diminue l'énergie de cohésion entre les plans basaux.

Céramique

La nature de la démarche tribologique entreprise ici nécessite de connaître la composition exacte de cette céramique. Devant la volonté du mélangeur à garder la nature exacte de la céramique secrète, une étude bibliographique et des analyses ont été effectuées.

Une étude ATG, effectuée par le fournisseur, du mélange de poudre conduisant au PC46 a donné les résultats suivants : la céramique perd son eau liée, à une température inférieure à 200°C ce qui représente environ 10 % du poids de céramique de départ donc 0,5 % du poids total du mélange en absolu. Au-delà de 600°C, il y a disparition du carbone et dégradation chimique du PTFE. Le résidu, au-delà de 800°C, n'est que de 1,3% du poids total. La céramique serait attaquée par les produits de dégradation du PTFE, en effet l'acide fluorhydrique attaque la silice.

D'après sa composition chimique 14 SiO2 + Al2O3 + NaO2 + 3 H2O, le pourcentage en masse de chaque composé de la céramique est le suivant :

SiO2 = 79,4 %, Al2O3 = 9,6 %, Na2O = 5,9 %, H2O = 5,1 %.

Le mélange de poudre de PC46 est composé, en masse, de 70 % de PTFE, 25 % de coke et 5 % de céramique. Le pourcentage de chaque élément de la céramique par rapport au mélange est le suivant :

SiO2 = 4,0 %, Al2O3 = 0,5 %, Na2O = 0,3 %, H2O = 0,2 %,

A 200°C la céramique perd son eau. Cette perte a donc lieu lors du frittage qui se déroule à plus de 300°C. Le pourcentage en masse de chaque composé de la céramique après frittage est donc :

SiO2 = 83,7 %, Al2O3 = 10,2 %, Na2O = 6,2 %.

L'analyse EDX d'un échantillon de PC46 a montré la présence de silicium (Si), d'aluminium (Al), de sodium (Na) et d'oxygène (O) dans les mêmes zones et avec des taux de présence de l'ordre des pourcentages calculés précédemment (figures 3.3 et 3.4).

Les grains de céramiques ont des formes de patatoïdes, leur observation au MP est difficile, car ils sont en relief et donc flous (figure 3.2). Leur taille est variable, mais aucun grain de taille supérieure à 75 microns n'a été observé.

La recherche de plus d'information sur cette céramique a conduit à la découverte de l'inventeur de ce mélange.

Dans les années 1970, la recherche de débouchés pour les fabriquants de PTFE, a conduit à la création de nombreux PTFE chargé, ces derniers ayant pour vocation de s'insérer dans des mécanismes où leur bonnes caractéristiques de frottement et d'usure seraient les bienvenues. Le PTFE est donc chargé avec divers matériaux ayant eux-mêmes de bonnes caractéristiques de frottement et d'usure tels que le graphite, le verre, le nickel, le bronze, le coke, la céramique et le bisulfure de molybdène. Les PTFE chargés ainsi obtenus sont testé sur des machines d'essai mesurant le coefficient de frottement et le taux d'usure, ces tests permettant aux fabriquants de classer les différents PTFE chargés {tou74}.

D'après l'inventeur du mélange, la poudre de céramique initialement présente dans le mélange n'était pas vraiment une céramique. Il s'agissait d'un alumino-silicate de sodium amorphe de précipitation de formule chimique identique à celle de la céramique actuelle.

Les particules de cette poudre sont des billes constituées de nanoparticules élémentaires (Document RHONE-POULENC. Silices précipitées., 6 p.). L'agglomération de ces nanoparticules construit entre elles un réseau de pores représentant près de 80 % du volume total de chaque bille : c'est le volume interparticulaire. Ainsi chaque bille se comporte comme une éponge pouvant absorber jusqu'à près de deux fois son poids en liquide. L'empilement des billes elles-mêmes, au sein de la poudre, développe également un volume poreux, appelé le volume interparticulaire. Le volume interparticulaire est lui aussi capable d'accueillir une certaine quantité de liquide, augmentant ainsi le pouvoir absorbant total de la poudre. Cette quantité est cependant limitée car elle fait rapidement perdre la fluidité de la poudre.
Le diamètre des billes de cette poudre sont compris entre 1 et 100 microns et leur application industrielle directe est la fluidification et l'antimottage des poudres. L'incorporation de cette poudre (0,1 à 2 %) dans une autre poudre favorise son écoulement et évite sa prise en masse.

L'analyse de la céramique contenu dans la poudre de PC46 est difficile du fait de sa faible concentration. Le mélangeur actuel ne communique aucune information sur celle-ci, mais il a racheté la formule du mélange de cette poudre. Au vue de la faible connaissance actuelle sur l'influence des charges sur l'usure du PTFE, il y a donc de grande chance que la charge actuel soit la même que celle de l'origine.

3.1.3 Propriétés du PC46

Le PC46 est un matériau composite composé en majeur partie de PTFE. Son comportement se rapproche donc de celui du PTFE qui est un matériau viscoélastique. D'après la littérature, il apparaît que les propriétés mécaniques du PC46 sont dépendantes d'un grand nombre de paramètres qui sont soit des paramètres de mise en oeuvre (pression de moulage, taux de cristallinité), soit des paramètres de sollicitations (temps, fréquence, vitesse, température, pression hydrostatique). Les fournisseurs (annexe proprietes) ne sont pas à même de fournir les propriétés thermomécaniques nécessaires pour modéliser le comportement thermoviscoélastique du segment dans les conditions de fonctionnement du compresseur (vitesse, fréquence, température, pression hydrostatique).

Dans un premier temps, des essais de fluage ont été directement effectués sur le segment (annexe fluage) afin d'évaluer le module d'élasticité global du segment. Ces essais ont permis de se rendre compte du comportement viscoélastique du segment et de la diminution de ses caractéristiques mécaniques avec l'augmentation de température, par contre l'évaluation du module d'élasticité n'a pas donné de résultats comparables aux valeurs des fournisseurs (annexe proprietes) et des autres PTFE chargés du même type.

Ensuite des essais de viscoélastimètrie ont été effectués afin d'identifier les températures de transitions du PC46 et l'évolution de son module d'élasticité avec la température dans des conditions de fréquence similaires à celles du compresseur (annexe visco). Les températures de transitions sont similaires à celles du PTFE trouvées dans la littérature, mais le module d'élasticité à 20°C se rapproche plus de celui du PTFE pur.

Afin d'évaluer la variation du module d'élasticité du PC46 avec la température, les variations mesurées lors des essais de viscoélastimètrie sont recalées avec la valeur de module donnée par les fournisseurs (annexe module).

La caractérisation thermomécanique du PC46 dans les conditions de fonctionnement du compresseur prendrait un temps élevé et aurait un coût non négligeable. L'objectif de cette étude n'étant pas sa caractérisation volumique mais la compréhension de son comportement tribologique au sein du mécanisme qu'est le compresseur, le choix a été de modélisé avec des valeurs raisonnables en nous appuyant sur la littérature, les données des fournisseurs et les différents essais qui ont été effectués, cette modélisation étant surtout une aide à la compréhension.

3.1.4 Etat de surface des segments

L'état de surface des segments est dû à leur usinage sur un tour vertical avec un outil diamant. Les photos et le profil de cette surface se trouvent dans la figure 3.9. Les stries d'usinage sont parallèles et dans le sens de la circonférence du segment. Le profile de rugosité (figure 3.9d) montre qu'il y a 8 stries d'usinage pour 2 mm, le pas de l'outil de tournage doit donc être de 0,25 mm. Les mesures de rugosités sur les segments ont donné un Ra = 5,8 microns et un RT = 44,3 microns.

figure 3.9 morphologie de surface des segments en PC46.

Sur la photo de la figure 3.9c, la matière s'écoule dans un sens perpendiculaire à la direction des stries et dans le sens inverse du sens d'avance supposé de l'outil, dans ce cas la matière recouvre alors en partie la strie précédente (figure 3.10).

figure 3.10 hypothèse sur les effets de l'usinage.

Du fait de cette orientation privilégiée, l'action du premier demi-cycle de frottement entre le segment et le cylindre sera fonction de son sens par rapport à celui de l'avance de l'outil.

3.2 Cylindre

3.2.1 Elaboration des cylindres

Les cylindres sont en fonte FGL250. Ce sont des pièces brut de fonderie qui sont usinées par le compressoriste.
Les cylindres sont alésés sur un tour vertical, sans lubrifiant, avec un outil carbure, la profondeur de passe est de 1 mm maximum. La partie frottante est usinée en deux passes. Entre ces deux passes, les autres parties du cylindre sont usinées. Lors de cet usinage l'alésage est en contact avec le fluide de coupe.
Ensuite le rodage de l'alésage se fait avec une pierre à roder (grains de 200 microns) puis le toilage avec de la toile abrasive (grains de 100 microns puis 40 microns). Le rodage et le toilage de la partie frottante se font avec un mouvement hélicoïdal, et lubrifié au pétrole.
Le cylindre est ensuite lavé avec de l'eau savonneuse sous pression.
Un essai de mise sous pression est ensuite effectué avec de l'eau industrielle. Cet essai se fait à la pression de service pour les chambres d'air et d'eau.
Les cylindres sont alors stockés après "huilage" de l'alésage.
Avant le montage, les cylindres sont dégraissés et nettoyés avec de la solvixine et un chiffon.

3.2.2 Composition

La fonte FGL250 est une Fonte à Graphite Lamellaire d'une résistance à la traction minimale de 250 MPa, défini par la norme AFNOR NF A 32-101. Les fontes à graphite lamellaire sont des alliages ferreux contenant plus de 2 % de carbone, dans lesquels le graphite libre est présent sous forme de lamelles. Le graphite est réparti régulièrement dans une matrice perlitique (figure 3.11).

figure 3.11 surface de la fonte polie après attaque
chimique avec une solution alcoolique nitrique (MP).

La composition chimique des fontes à graphite lamellaire est laissée à la discrétion du fondeur, mais en règle générale les éléments suivants y sont présents :

C : 2,5-4 % ; Si : 1-3 % ; Mn : 0,2-1 % ; S : 0,02-0,25 % ; P : 0,02-1 %.

Avec chaque lot de cylindres, le fondeur fourni au compressoriste un certificat d'analyses et de caractéristiques mécaniques. La composition chimique de la fonte composant un lot de cylindres est la suivante :

C : 3,03 % ; Si : 1,84 % ; Mn : 0,78 % ; S : 0,061 % ; P : 0,065 %.

3.2.3 Propriétés de la fonte FGL250

Les caractéristiques mécaniques données par la norme de la fonte FGL250 sont les suivantes :

  • module d'élasticité : E = 110 GPa,
  • coefficient de Poisson : nu = 0,26,
  • résistance à la traction : Rm = 250 MPa,
  • limite d'élasticité à 0,1 % en traction : Rp = 196 MPa,
  • allongement à la rupture : A = 0,75 %,
  • dureté : HB = 210,
  • résistance à la compression : Rm = 840 MPa,
  • limite d'élasticité à 0,1 % en compression : Rp = 325 MPa.

La dureté fourni par le fondeur sur le certificat est : HB=207, c'est la seule caractéristique mécanique qu'il donne.

Il est spécifié dans la norme qu'il peut être considéré que les caractéristiques mécaniques ne sont pas affectées par la température jusqu'à 350°C.

La norme donne également les propriétés physiques de la fonte FGL250 qui sont :

  • masse volumique : rho = 7200 kg/m3,
  • capacité thermique de 20 à 300°C : Cp = 485 J/kg.°C,
  • conductivité thermique : k = 48,5 W/m.°C.

3.2.4 Etats de surface des cylindres

La figure 3.12 montre la structure schématique d'un métal polycristallin après usinage de la surface par un outil. Quel que soit le processus de coupe, qui est toujours une rupture du matériau dans une zone plastifié, il s'ensuivra de sévères perturbations du métal.

En allant du volume du matériau vers l'extrême surface, il y a d'abord le métal intact, non perturbé par l'usinage mais ayant ses propres défauts (impuretés, joints de grains, inclusions). Ensuite, se présente une zone texturée où les modifications induites par la coupe sont essentiellement structurales. Puis vient une zone écrouie caractérisée par un grand désordre des grains et la présence de nouvelles impuretés introduites dans le matériau au moment de l'usinage. Cette région est recouverte d'une couche d'une zone oxydée (oxyde natif) dont l'épaisseur va dépendre du matériau et de la cinétique d'oxydation. Finalement, des couches physisorbées et chimisorbées de molécules organiques sont présentes à l'extrême surface.

La zone oxydée au-dessus de la zone écrouie et les couches physisorbées et chimisorbées correspondent aux écrans de surfaces.

figure 3.12 structure microscopique de la surface d'un métal usiné {cor98}.


Sur plan, la rugosité demandée par le compressoriste est de Ra = 0,4 microns. Des mesures de rugosités ont été effectuées dans des cylindres basse pression de diamètre 250 mm ainsi que des répliques de leurs surfaces. Les mesures et les répliques ont été faites sur 4 cylindres numérotés 02, 04, 06, 07. Sur chaque cylindre, 6 zones ont été étudiées (figure 3.13). Les critères de rugosités qui ont été retenus sont le Ra et le RT.

figure 3.13 position des répliques et des mesures de rugosités dans un cylindre.

Les mesures de rugosités ont été effectuées avec un rugosimètre mécanique PERTHOMETER M4Pi, les longueurs de palpage étant de 15 mm.

Avant le rodage, la surface des cylindres est brute d'usinage. Les Ra et les RT mesurées (figure f.14a) sont tous du même ordre de grandeur, leur valeur moyenne est respectivement de 5,4 microns et 44,7 microns.

Après le rodage (figure 3.14b), les Ra et les RT mesurées ont pour valeur moyenne, respectivement, 0,86 microns et 15,5 microns. Sur les 4 cylindres, le Ra mesuré est supérieur à celui demandé sur plan qui est de 0,4 microns.

figure 3.14 mesures de rugosités dans les cylindres.

Des répliques des surfaces frottantes des cylindres (figure 3.15) ont été effectuées car elles ne peuvent pas être observées au microscope sans procéder à la découpe des cylindres. Les répliques sont des films de polymère, qui une fois ramollies par l'immersion dans un solvant sont posées sur la surface, en séchant, elles prennent une empreinte de la surface.

figure 3.15 photos au MP des répliques des cylindres.

figure 3.16 réplique dans un cylindre.

La surface des cylindres après rodage est lisse avec des "imperfections" qui sont les sommets de stries d'usinage couchés lors du rodage orientés dans tous les sens, les creux des stries d'usinage et les stries de rodage toutes orientées dans le même sens (figure 3.17).

figure 3.17 morphologie de la surface des cylindres.

Le Ra et le RT mesurés sur les cylindres après rodage prennent en compte les creux des stries d'usinage, les sommets couchés de stries d'usinage et les stries de rodage, ce sont donc des critères globaux de rugosités. Si les mesures avaient été effectuées dans une zone comme celle indiquée en pointillé sur la figure 3.17, le Ra et le RT auraient été plus faible. Les critères de rugosités sont donc des données insuffisantes pour caractériser la morphologie d'une surface, l'observation de la surface est nécessaire afin de connaître la morphologie réelle de la surface.

3.3 Conclusion

Les segments sont en PC46 qui est l'appellation commerciale d'un PTFE chargé coke de pétrole et céramique. La nature exacte de la charge céramique est tenue secrète par le fournisseur, après analyse et enquête, celle-ci a été identifiée comme étant une alumino-silicate de sodium amorphe sous forme de microbilles. Les fournisseurs ne donnent pas les propriétés mécaniques nécessaire à la modélisation du comportement du segment et la caractérisation thermomécanique du PC46 est longue et coûteuse, une évaluation du module d'élasticité en fonction de la température a donc été effectuée à partir de la bibliographie et de quelques essais choisis. La connaissance de la structure du PC46 à l'échelle de la matrice en PTFE et des charges et à l'échelle de la structure microscopique de ces matériaux sera une aide précieuse à l'interprétation des observations des surfaces frottées après ouverture du contact.

Le cylindre est en fonte FGL250 qui est une fonte à graphite lamellaire. L'usinage puis le rodage de la surface du cylindre conduisent à une morphologie de surface lisse avec des "imperfections" qui sont les creux des stries d'usinage, les sommets couchés de stries d'usinage et les stries de rodage.

La connaissance des propriétés mécaniques des premiers corps va permettre dans la chapitre suivant de modéliser le comportement des premiers corps dans le contact. Et la connaissance de la morphologie de surface des premiers corps permettra dans la mesure du possible de la reproduire sur les éprouvettes des essais sur simulateurs.

© Copyright Laurent Mahé